Génétique, vers une nouvelle forme de médecine ?

La génétique n'a que 150 ans. C'est une science récente (à titre de comparaison, l'astronomie est vieille déjà de plusieurs millénaires), et pourtant, au cours de ces dernières décennies, elle a connu de spectaculaires avancées, bousculant ainsi de nombreux champs d'activité. De la biologie à l'agriculture, en passant par la médecine, la science de l'hérédité apporte de nouvelles possibilités et ouvre de nouvelles perspectives.
Qu'en est-il de la médecine ? A l'heure où les techniques de génie génétique permettent d'analyser les génomes, toujours plus vite et à moindre coût, de manipuler les gènes de n'importe quel organisme, y compris de l'humain, et donc de connaître le profil génétique de chaque patient, de l'appréhender dans ses spécificités, il semble s'annoncer une pratique de la médecine toujours plus « précise » et « personnalisée ». Alors, la génétique pourrait-elle modifier la façon d'appréhender la médecine ? Permettra t'elle une révolution, ou une évolution du domaine médical ? Quelles questions d'ordre éthique sont soulevées par ces changements ?
Entre promesses et limites de la science et des techniques actuelles, ce dossier propose de faire un point sur les applications de la génétique en médecine, et d'ouvrir ainsi quelques pistes de réflexion.

Auteur : Elodie La Orden
E-mail : elodie.laorden@ouestprovence.fr
Publication : Février 2015
Mise à jour : Avril 2020

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Le « livre de la vie »


Des fondements de la génétique au séquençage du génome humain, voici un retour sur les découvertes et évolutions majeures qui ont jalonné l'histoire de cette discipline.
Les bases de la génétique sont jetées en 1865, lorsque le moine tchèque Mendel découvre, au travers d'expériences sur les petits pois, les lois de l'hérédité. Pourtant, ses travaux resteront oubliés jusqu'au début du XXe siècle. Dans les années 1940, l'ADN est découvert, et en 1953 sa structure est élucidée. Les années 1970 voient la génétique prendre toute son ampleur, avec l'émergence du génie génétique et les progrès réalisés qui modifieront alors le champ de la biologie et de la médecine. Au début des années 1990, la communauté scientifique internationale lance le projet, parfois qualifié d' « Apollo de la biologie », du séquençage du génome humain. Ce programme d'ampleur visait à dresser un inventaire complet des gènes de l'homme, démarche nécessaire à la recherche de l'implication de ceux-ci dans les maladies génétiques d'abord, puis dans les maladies communes et multifactorielles. Le séquençage du génome humain a été achevé en 2003.
Les techniques de « lecture » de l'ADN se sont également nettement améliorées depuis quelques années. Le séquençage de l'ADN est maintenant à haut-débit, et un autre procédé voit le jour avec les puces à ADN, plaques de verre sur lesquelles sont placés des fragments d'ADN. Ces technologies permettent une lecture plus rapide (en analysant simultanément plusieurs milliers de gènes, quelques jours suffisent pour lire une séquence) et moins coûteuse. De quoi ouvrir de nouvelles perspectives...

Diagnostiquer avant les premiers symptômes ?


Diagnostiquer une maladie avant l'apparition des symptômes ne serait pas un rêve fou ? C'est en tout cas l'ambition de la médecine prédictive qui, en analysant les gènes des individus, vise à évaluer les prédispositions biologiques de chacun à développer certaines maladies, afin d'en retarder, voire d'en éviter la survenue. Le concept est énoncé par Jean Dausset en 1972, et les avancées réalisées ces dernières années en matière de génomique et de séquençage laissent espérer de nouvelles applications. C'est le cas par exemple du séquençage nouvelle génération qui, en décryptant l'ensemble du génome d'un individu en quelques heures, permet d'analyser simultanément de nombreux gènes identifiés comme responsables d'une pathologie. Ainsi, connaître au plus tôt ses prédispositions permettrait au patient d'adapter son mode de vie pour réduire les risques d'apparition de la maladie, de bénéficier d'une surveillance médicale ainsi que de mesures préventives.
Si, depuis Hippocrate, la médecine est avant tout curative, la place de la prévention dans la médecine s'accroît au cours du XXème siècle. Vaccination, précautions d'hygiène... Des mesures « de masse » sont là pour prévenir certaines affections. La mise en place de la médecine prédictive permettrait, quant à elle, de protéger de manière personnalisée les individus sains.
Toutefois, malgré quelques applications concrètes, la médecine prédictive se heurte encore à différentes barrières : connaissances encore lacunaires du rôle des gênes, ou du rôle des interactions entre gènes et environnement dans la survenue des maladies multifactorielles .

 Vers un traitement adapté à chacun ?

 
De tout temps, un des enjeux de la pratique médicale a été de prescrire le traitement adéquat pour chaque patient, en adaptant la posologie en fonction des données du patient (poids, âge, sexe...), puis en modifiant cette posologie voire en changeant le traitement si celui-ci n'agissait pas correctement, ou provoquait des effets indésirables chez le malade. Pourtant, des études mettent en avant le fait que, encore de nos jours, des nombreuses hospitalisations et décès sont dûs chaque année à des effets indésirables médicamenteux. Si l'idée que chaque personne est unique, et que la réponse à un traitement sera différente selon les individus est ancienne, on en ignorait la cause exacte jusqu'au XXe siècle. Les progrès de la génétique ont permis d'établir le fait qu'il existe une lien entre gènes et réaction aux médicaments. Cela laisse entrevoir aujourd'hui de nouvelles possibilités, grâce à la pharmacogénétique. Son but est de déterminer le traitement qui aura le plus de chances de fonctionner pour un patient, avec le moins d'effets secondaires possibles. En établissant au préalable le profil génétique du patient par un test, la pharmacogénétique étudie les facteurs génétiques qui établissent la façon dont il réagira à un médicament.
Ainsi, plus besoin d'attendre et de constater les effets du médicament : le médecin détiendrait dès le départ toutes les informations nécessaires au choix du bon traitement. Les essais-erreurs seraient évités, ainsi que l'exposition du patient à une thérapie qui ne fonctionne pas, ou qui est néfaste pour lui. La pharmacogénétique est d'ores et déjà utilisée dans le traitement de plusieurs maladies, comme certains cancers ou le sida

Réparer grâce à un gène ?

 


 Les avancées de la génétique ouvrent la voie à un nouvel espoir thérapeutique : ne plus seulement traiter les symptômes d'une maladie, mais en traiter directement l'origine, c'est-à-dire réparer le gène défectueux qui en est la cause. C'est le propos de la thérapie génétique, qui vise à intervenir sur un gène en le corrigeant, le remplaçant ou en modifiant son mode d'expression... grâce à un autre gène. Il existe plusieurs types de thérapies géniques, qui diffèrent selon les indications et les objectifs thérapeutiques, mais tous fonctionnent sur le principe d'introduction du « gène-médicament » dans les cellules du patient à l'aide d'un vecteur. Le concept est né dans les années 1960, mais il s'est réellement concrétisé à la fin du XXe siècle, avec la première expérience à visée thérapeutique aux USA en 1990, et l'essai mené en France en 1999 par Alain Fischer sur les « bébés-bulles ».
Aujourd'hui, 1800 essais cliniques sont en cours, pour des patients atteints de maladies génétiques, mais pas seulement. En effet si, initialement, la thérapie génique était présentée comme un moyen de lutter contre les maladies monogéniques, les indications en sont aujourd'hui élargies : selon l'INSERM, 65% des essais effectués le sont dans le domaine de la cancérologie, 10% dans le domaine cardiovasculaire, et 10% dans le domaine des maladies monogéniques. Ce type de thérapie est également envisagé pour des maladies comme Parkinson ou encore le Sida.
La thérapie génique a, à ce jour, vu plusieurs réussites, mais est encore confrontée à différents obstacles.

 Et l'éthique ?


Jusqu'où l'homme peut-il aller dans la manipulation du vivant ? Est-il bon de tout savoir ? Que faire des données collectées ? Si la génétique laisse entrevoir de nouveaux espoirs pour la médecine, les progrès rapides qu'elle connaît soulèvent de nombreuses questions d'ordre éthique, concernant les différentes disciplines de génétique médicale, ou, plus généralement, l'utilisation des éléments du corps humain. Ainsi, la médecine prédictive interroge la pertinence de connaître ses prédispositions dans le cas d'une maladie où aucun traitement n'existe, ou encore le risque de discrimination à l'emploi ou aux assurances que l'utilisation des données génétiques pourrait induire. La pharmacogénétique, quant à elle, pose la question de l'exclusion de certaines personnes des traitements. Plus largement, les tests génétiques et la manipulation du vivant peuvent faire craindre des dérives eugéniques.
La pratique de la médecine génétique est, en France, régulée par les lois de bioéthiques de 1994 et 2004, révisées en 2011. Ces lois visent à protéger le respect du corps humain dans le cadre des pratiques médicales et encadrer le don et l’utilisation des éléments et produits du corps humain.

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  • Médecine : ce que prédisent nos gènes
    Dossier du n° de Juillet-août 2013 du Journal du CNRS consacré à la génétique médicale.
  • Etats généraux de la bioéthique
    Site officiel des États généraux de la bioéthique, mis en place en 2009, lors de la révision des lois de bioéthique. Espace de partage des savoirs et de débat.
  • Epigénétique
    L'INSERM nous dévoile dans cet article sur l'épigénétique, comment l’environnement cellulaire ou physiologique peut influer sur l’expression de nos gènes.
  • L'espoir des cellules-souches
    Page du site Arte-futur dédiée à la thérapie cellulaire et aux cellules-souches.
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Les tests génétiques diagnostiques visent à diagnostiquer une maladie génétique chez un individu qui en présente des symptômes. La personne sait enfin de quoi elle souffre.
Les tests génétiques prédictifs sont effectués sur des individus qui ne présentent aucun symptôme. Ils ont pour but de découvrir des altérations génétiques qui indiqueraient un risque de développer ultérieurement une maladie. Dans la plupart des cas, le test n’apportera qu’une indication d’un risque d’apparition d’une maladie au cours de la vie, mais ne constituera pas un indicateur précis car, outre les facteurs génétiques, des facteurs environnementaux jouent un rôle important. De tels tests prédictifs sont appelés tests de susceptibilité.
 

Source : http://www.coe.int/t/dg3/healthbioethic/Source/fr_geneticTests_hd.pdf



 

 

 

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Consultés sur la médecine prédictive dans le cadre de la 6ème édition de l’Observatoire de la Santé Le Figaro Weber Shandwick, 50% des Français déclarent que cette discipline peut faire progresser la santé. En revanche, Pour 2/3 des personnes interrogées, le premier risque lié au développement de la médecine préventive serait la confidentialité des données. Près de la moitié des sondés craignent les dérives scientifiques comme les manipulations génétiques, les risques d’eugénisme (50%) ou encore une redéfinition des libertés et des contraintes individuelles (55%). Malgré ces réserves, 2/3 des Français se déclarent prêts à passer un test génétique, notamment s’il peut prévenir l’apparition d’une maladie qu’ils seraient susceptibles de développer, voire la traiter si possible (56% des sondés).
 

Source : http://webershandwick.fr/press_release/50-des-francais-considerent-que-la-medecine-predictive-peut-faire-progresser-la-sante-mais-23-craignent-labsence-de-confidentialite-de/

 

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