Abstraction lyrique, ou l'art au service de l'imaginaire

L'Abstraction lyrique, dont le précurseur est Vassily Kandinsky, définit un mouvement pictural qui débute après la seconde guerre mondiale. C'est dans le cadre d'une exposition en 1947, proposée à Paris à la Galerie du Luxembourg, que naît précisément le terme qui définira ce mouvement crucial de l'histoire de l'art contemporain. En effet, le peintre Georges Mathieu voulait donner à cette exposition le titre : « Vers l'abstraction lyrique ». La directrice de l'exposition préférera la baptiser : « L'imaginaire ». Pour autant, les journalistes, et par voie de conséquence la postérité, retiendront le terme initié par l'artiste. Mais quelle est l'origine, le fondement et l'objet de ce mouvement artistique qui compte des peintres aussi célèbres que Georges Mathieu, Zao Wou-Ki, Pierre Soulages, Nicolas de Staël, Hans Hartung, Gérard Schneider, ou Jean Degottex ? Qu'est-ce qui fait la spécificité de ce courant artistique qui marqua d'une empreinte indélébile l'histoire de l'art ?

Auteur : Patrice Bertran
E-mail : patrice.bertran@ouestprovence.fr
Publication : Juillet 2016
Mise à jour : Avril 2017

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L'abstraction lyrique, une nouvelle approche picturale

Pour les adeptes de l'abstraction lyrique, le salut ne viendra pas du progrès technologique, comme en témoignent la première et la seconde guerre mondiale, mais d'une introspection consciente, originale, et personnelle. Pour eux, le peintre solitaire et dionysiaque, qui explorera intuitivement les profondeurs abyssales de son âme et de sa conscience affirmera son être par le biais de l'expression artistique. En quelque sorte Zarathoustra, le surhomme de Nietzsche, Les peintres appartenant à ce nouveau mouvement artistique veulent exprimer par le biais du médium de la couleur, non plus des sujets figuratifs, ou une conception glorifiant le progrès technique, mais un certain nombre d'émotions inhérentes à la nature humaine. Ainsi, l'artiste puise dans les profondeurs de ses instincts pour se connecter au public, qui se laisse lui-même emporter par ses sensations (Aesthesis).Une expression qui reflète des mouvements de l'âme, tels que la plénitude, la colère, le désir, la liberté, la profondeur... Ce que découvre donc le spectateur en visualisant ces œuvres, ce sont des impressions qui naissent de paysages imaginaires issues de l'introspection émotionnelle et méditative de l'artiste.

Vassily Kandinsky père de l'abstraction lyrique

Ainsi, l'abstraction lyrique émane d'un art purement abstrait, dont le plus célèbre représentant n'est autre que Kandinsky. Tout débute lorsqu'un jour de 1910, Kandinsky retourne par accident une de ses toiles figuratives. Alors qu'il rentre dans son atelier, voici ce qu’il raconte : « J’arrivais chez moi […] absorbé par le travail que je venais de terminer, lorsque je vis soudain un tableau d’une beauté indescriptible […]. Je me dirigeais rapidement vers le tableau mystérieux sur lequel je ne voyais que des formes et des couleurs dont le sujet était incompréhensible. Je trouvais aussitôt le mot de l’énigme : c’était un de mes tableaux qui était appuyé au mur sur le côté ». C'est ainsi, que Kandinsky découvrit l'importance de la forme et de la couleur, dont le sens profond et la beauté peuvent s'affranchir de la figure identifiable. Théoricien, il écrivit de nombreux livres. Dans son essai « Du spirituel dans l'art et dans la peinture en particulier» il définit l'art comme le principe de l’entrée en contact de la forme et des couleurs avec l’âme humaine. Ainsi, l'œuvre émane d'une nécessité intérieure. Elle s'exprime de façon mystérieuse, énigmatique et mystique, voire spirituelle. Il est également l'auteur du livre : « Point, ligne, plan », où il montrera que les formes géométriques, en fonction de leurs dimensions et de leur positionnement dans l'espace ont une résonance spirituelle chez le spectateur, sans qu'il en ait nécessairement conscience.

L'abstraction lyrique et le constructivisme

En 1913, apparaît un autre mouvement pictural, le constructivisme qui vise à glorifier artistiquement le progrès technique et la vitesse qui lui est concomitante, en se référant à l'architecture, la mode et le design... Il n'utilise de ce fait que le point, la ligne et le triangle. Kazimir Malevitch, qui deviendra célèbre en poussant cette logique à son comble avec son fameux « carré blanc sur fond blanc », sera le fondateur du s. A ce titre, une polémique oppose les tenants de l'abstraction à tendance géométrique tel le constructivisme, considéré comme une peinture « froide », à ceux de l'abstraction lyrique dite peinture « chaude ».

L'abstraction lyrique et l'action painting

Aux Etats-Unis, l'abstraction lyrique inspirera des peintres comme Mark Rothko ou Jackson Pollock. Ce dernier donnera naissance à un autre mouvement pictural, qui s'en distinguera par sa mise-en-oeuvre très gestuelle : l'action paintig, à laquelle sont également associées les techniques du dripping et du all over. Jackson Pollock, peintre existentialiste déclarait ne pas être conscient de ce qu'il faisait lorsqu'il peignait. Il fût longtemps considéré comme un « excité » dont les jets de peinture étaient l'expression pathétique de ses états d'âme. Pourtant, le journaliste Clement Greenberg décèle le fondement esthétique de ses toiles et affirmera que loin d'être une œuvre pathologique, le travail de Pollock est l'entreprise picturale la plus importante du siècle.

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Désigne une forme d’expression qui omet toute référence à la réalité concrète, c’est-à-dire à la figuration. L’abstraction lyrique rejoint une peinture gestuelle, qui laisse transparaître l’émotion individuelle.

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1- Désigne ce qui n'a pas de réalité physique perceptible, ce qui n'existe que sous forme d'idée
2- Se dit d’une oeuvre qui ne représente rien du réel perceptible par les sens de la vue et du toucher ou ne fait pas référence à une réalité extérieure. Une oeuvre abstraite, ou non-figurative, ne représente rien que l'on puisse reconnaître. L’abstraction apparaît au début du XXe siècle, avec l'art contemporain. L'abstraction géométrique qui utilise des formes d'apparence géométrique (Albers, Barré) se distingue de l'abstraction lyrique qui privilégie le geste spontané et la tache (Hartung, Mathieu, Pollock).

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Ce terme, proposé en 1951 par le critique américain Harold Rosenberg, désigne une attitude artistique qui privilégie l'acte physique de peindre, souvent la rapidité d’exécution, l'engagement physique du peintre, la gestualité, éliminant toute suggestion figurative. "Ce qui devait passer sur la toile n’était pas une image, mais un fait, une action."

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Procédé qui conduit à une répartition uniforme des éléments picturaux sur la surface totale du tableau qui semble se prolonger au-delà des bords, éliminant ainsi le problème du champ. (Terme apparu avec l'Action Painting et Pollock aspergeant la toile posée à plat sur le sol).

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Contrairement à ce qu'on peut penser le dripping ne fût pas inventé par Jakson Pollock, mais par Janet Sobel, artiste d'origine ukrainienne. A partir d'un seau percé elle laissait s'écouler la peinture sur une toile posée à même le sol. C'est en 1944 dans une galerie d'art que Pollock vit cette artiste pratiquer cette technique, qu'il utilisera plus tard pour réaliser toute son oeuvre.

 

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Mot grec dont un des dérivés a donné « esthétique »
Aptitude à percevoir des sensations
Perception par les sens autant que par l'intellect.

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